Randonnée avec des ânes dans les monts Apuseni

Randonnée avec des ânes dans les monts Apuseni (Risca, 1-6 juillet)

Nous partons découvrir la Roumanie rurale à pied pour mieux nous en imprégner. Pendant une semaine nous randonnons dans les mont Apuseni accompagnés par deux ânes qui se chargent de porter les bagages et les enfants. Pour ce faire, nous passons par une agence de tourisme située à Cluj Napoca qui organise des séjours comprenant l'hébergement chez l'habitant. A Risca nous faisons connaissance avec nos deux ânes: Puyo et Bator. Ils nous accompagnerons durant cette randonnée. Nous n'avons jamais randonné avec des ânes et le premier jour constitue une journée de test.

Jour 1 (Risca, boucle de 10 km, 4 heures de marche)

Lamatinée commence mal : brouillard et froid. Nous reportons de quelques heures notre balade. Sitôt le brouillard levé, nous partons pour les premiers doutes : difficultés avec les ânes dont nous percevons vite le caractère. Puyo refuse par moment de marcher et Bator ne pense qu'à manger sur le bord de route . Nous suivons les consignes prodiguées avant notre départ: être ferme sans être violent; ne jamais tirer un âne mais le pousser.... Puis, c'est l'orientation qui nous joue des tours. Nous étions aussi prévenu:les cartes roumaines ne sont pas très justes... Bref, au moment de la pause de midi nous n'avons parcouru que quelques kilomètres et c'est plein de doutes que nous ruminons notre casse-croute. Mais au fil des kilomètres, les conseils s'avèrent justes et nos ânes ne rechignent plus à la tâche. Nous avons retrouvé le droit chemin et les enfants semblent prendre plaisir à dos d'âne. C'est la pluie qui vient stopper notre nouvel élan. Pendant trois quarts d'heure nous nous abritons sous l'auvent d'une grange avant de repartir dans une magnifique petite vallée où nous devons traverser plusieurs fois à gué la rivière qui serpente. Après 10 km de test nous sommes épuisés, trempés jusqu'aux genoux mais conquis, les enfants aussi. C'est donc parti pour quatre jours de randonnée de villages en villages...

  

Jour 2 (Risca-Rusesti, 14 km, 4 heures de marche)

Aujourd'hui, nous empruntons un itinéraire sans problème d'orientation, nous suivons une petite route sans ambigüité. Mais à Lapustesti, alors que les ânes rechignent à avancer (sans doute ont-ils en mémoire que la pause, c'est ici!) c'est la pluie qui menace. Nous flânons quelques instants dans le village pour trouver un refuge. Nous sommes finalement accueillis par Sylvia, une vieille dame charmante qui donne de l'herbe aux ânes dans son jardin et nous invite dans sa maison. Elle offre des gâteaux aux enfants et nous sert une assiette de soupe. Ça tombe bien c'est l'heure de manger. Nous pique-niquons chez elle en attendant que la pluie cesse. C'est l'occasion pour nous de goûter une fois de plus à l'hospitalité roumaine. Nous déjeunons dans la pièce principale qui doit servir à dormir, à manger, à tout quoi... Le poste de télévision diffuse les émissions de la chaine Trinitas consacrée à l'église orthodoxe. Dans la pièce sont d'ailleurs accrochés de nombreux tableaux religieux entourés par des écharpes colorées...La maison ne possède pas l'eau courante et les toilettes sèches sont dans un coin de la cour. Assis sur une planche de bois, Mathieu s'accommode sans soucis de ces nouveaux lieux d'aisance. Il est l'heure de rebâter les ânes, repus eux aussi. La pluie a cessé et nous quittons Sylvia en la remerciant chaleureusement pour son accueil. Nous dégringolons de 600 mètres en parcourant 7 km d'une piste agréable. Mathieu commence à somnoler sur son âne et nous tentons une pause sieste à l'ombre des arbres. Seuls les parents s'endorment presque mais le chahut des enfants revigorés par cette pause ludique dans l'herbe incite à reprendre la piste. D'autant que le ciel est toujours menaçant. En fin d'après-midi, nous arrivons finalement chez la famille Rosu qui nous accueille avec le traditionnel thé composé celui-ci de quelques queues de cerise et de feuilles de menthe.

 

 

 

Jour 3 (Suresti-Marisel, 10 km, 4 heures de marche)

Au programme aujourd'hui, une forte pente sur un sentier inexistant pour remonter à plus de 1000 mètres d'altitude. Et ce matin sous un ciel gris, les ânes refusent d'avancer! Dans un premier temps nous pensons que c'est le petit chien de la famille Rosu, qui nous accompagne un moment, qui est la cause de leur refus. Effectivement, le chien passe entre leurs jambes, provocant de leur part des gestes d'énervement. Nous comprenons bien vite qu'en fait, ils connaissent la difficulté qui les attend. Sans violence mais avec de la patience nous finissons par leur faire accepter notre requête: avancer... Mais effectivement cela n'est pas sans sueurs. Chaude quand il faut grimper dans l'herbe haute et au milieu des buissons et froide quand tout à coup Margaux se retrouve par terre les quatre fers en l'air. Le bât a glissé... Nous l'inversons pour que pareille mésaventure ne se renouvelle. La galère passée, la pause pique-nique s'impose. Les couvertures sur lesquelles les enfants sont confortablement installés nous servent de nappe où nous étalons les victuailles préparées par nos hôtes: concombres, tomates, viande, fromage, œufs durs, pain... Les enfants, sitôt leur repas avalé, partent à la recherche des plantes favorites de leur compagnons de route. C'est qu'ils ont appris à les reconnaître en les observant chiper ci et là au cours de la balade les herbes de bords de chemin. Après notre journée de marche épuisante, nous arrivons chez nos hôtes. Les enfants partent à la découverte des animaux de la ferme: veau, vaches, cochons, poules, moutons pendant que nous admirons le paysage alentour: collines boisées, fermes isolées, prairies de fauches...

 

 

  

Jour 4 (Marisel-Belis- 14 km, 5 heures de marche)

Nous quittons Maria qui fête aujourd'hui ses cinquante ans. Le téléphone n'arrête pas de sonner ce matin pour la féliciter. Nous la remercions pour son accueil et repartons sous un ciel menaçant. Après quelques centaines de mètres seulement, la pluie commence à tomber. Nous nous réfugions sur la terrasse abritée du café du village. Les enfants font du coloriage en attendant l'éclaircie qui tarde à venir. Nous reprenons la marche en traversant le village. Nous croisons de nombreux attelages qui partent aux champs ou dans la forêt. Les attelages sont composés de magnifique chevaux racés très costauds et très nerveux qui s'affolent à la vue de nos deux ânes bâtés. Nous devons nous écarter pour les calmer. Après notre pause pique-nique dans un chemin, nous repartons mais la pluie menace de nouveau. Nous demandons l'hospitalité dans une ferme. Les ânes sont accueillis dans la grange où on leur donne du foin et nous, dans la toute nouvelle maison de la famille. L'intérieur est très moderne avec l'écran plat, le canapé, la cuisine américaine. Quel contraste avec la maison de Sylvia! Ici les murs sont colorés mais vierges de décoration. C'est Adela qui nous accueille, la jeune fille de la famille. Et bientôt des tomates sont servies ainsi que du lard frit (mais juste le gras...)que nous goutons par politesse... Le tout accompagné d'un verre de palinka, l'eau de vie roumaine. Celle-ci est très parfumée et se boit bien malgré le haut degré d'alcool... Margaux a une envie pressante. « Toaleta? ». Malgré le modernisme de la maison, les toilettes sont restées dehors, dans un coin de la cour et c'est le journal qui fait office de papier toilette... La pluie cesse et nous repartons. Les ânes freinent des quatre sabots. Mauvais présage... Nous appréhendons la suite du parcours:une descente à travers la forêt. Et ce qui devait être une simple balade bucolique en famille s'apparente bientôt à une aventure digne des premiers périples de Nicolas Vanier à travers la taïga de Sibérie. Le sentier qui serpente à travers la forêt sur une pente très raide est encombré par les arbres abattus par les bucherons. Nous devons avancer avec les ânes sans les enfants de quelques dizaines de mètres, attacher les ânes et revenir chercher les enfants. Arrivé avec peine au fond de la vallée, le chemin qui longe la rivière a disparu. Nous devons marcher dans le lit d'une rivière boueuse et encombrée de rochers sans savoir si nous sommes sur le bon chemin. Margaux manque de tomber et Mathieu s'accroche la jambe dans une branche. Nous descendons les enfants des ânes. Ils sont en pleurs et nous faisons de notre mieux pour ne pas leur montrer notre inquiétude. Séverine part seule avec les ânes qui trébuchent sur les rochers. Mathieu dans un bras et Margaux à la main je dévale avec peine les méandres de la rivière. Mais bientôt la piste attendue apparaît. Nous poussons un gros ouf de soulagement. L'aventure est terminée, place à la promenade tranquille et au repos bien mérité à Belis, chez Maria...

 

 

 

Jour 5 (Belis-Risca, 11 km, 4 heures de marche)

Cette dernière journée de randonnée est une magnifique journée de promenade. Tous les ingrédients sont réunis: paysages de moyenne montagne, soleil, villages, rencontres de bord de chemins (conducteurs d'attelages, faucheurs de foin, passants...). Et nos ânes marchent en cadence à notre guise. Depuis le premier jour, loin de s'ennuyer sur leurs montures, les enfants ont tous leurs sens en éveil:ils scrutent, observent, écoutent et nous discutons de ci, de ça observé ci et là: la forme des maisons, les couleurs des plantes, les empreintes d'animaux, les écureuils, chevreuils, crapauds, tritons, les activités agricoles... Et des souvenirs de voyage viennent alimenter les discussions... A la pause, ils câlinent et discutent avec leurs ânes comme de vieux compagnons... Encore quelques détours dans des prairies aux mille couleurs et nous arrivons en vue de Risca. La boucle est bouclée....Les ânes vont prendre quelques jours de repos et nous le chemin de la Hongrie...

Malgré la pluie et les péripéties, cette petite semaine de randonnée a été une merveille. Nous avons été dorlotés chaque soir dans les gites d'étape et nous avons vécu des moments forts avec nos ânes. Nous imaginons déjà d'autres balades en compagnie de ces charmants compagnons de route....