Devoir de mémoire (Osciem, 15 juillet) A 60

Devoir de mémoire (Osciem, 15 juillet)

A 60 kilomètres à l'ouest de Cracovie se trouve le camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz. J'ai longtemps hésité à le visiter. Ma première réaction à l'idée de visiter ce camp fût d'y renoncer à cause d'un voyeurisme déplacé. Je savais ce qui s'y était passé, les horreurs indicibles qui y ont été commises. Je savais que je ne trouverai pas en ces lieux des réponses aux « pourquoi? », aux « comment? ». Puis à quelques kilomètres seulement du lieu de l'horreur, je ressentis comme un devoir de mémoire, un devoir d'honorer le millions de personnes disparues dans ce lieu. Passer sans s'arrêter aurait été trop facile finalement... En arrivant aux abords du camp, en longeant ces rails laissés là intacts, je fus pris d'une émotion intense, d'une sorte de vertige... Pas question d'emmener les enfants dans cette univers de mort, de torture, d'atrocité, d'inhumanité. Nous leur expliquons que nous allons visiter, chacun notre tour avec Séverine, une prison de guerre. Et pas question de discuter de notre visite devant les enfants. Il est déjà difficile pour nous de comprendre comment l'homme en est arrivé là, alors dans la tête d'une petite fille de 5 ans... Nous réalisons la visite libre avec pour explications les nombreux panneaux qui jalonnent le camp. Nous visitons les différents blocs qui servaient de dortoir, d'infirmerie, de bureau. Aujourd'hui, ils servent à expliquer, à présenter ce que fût un camp de concentration et d'extermination. Des blocs sont consacrés: à l'arrivée au camp; à la sélection; à la vie au camp; à l'extermination... Des blocs sont consacrés aux déportés des différents pays. Ainsi chaque pays concerné a conçu une exposition. L'exposition française présente sans concession la politique collaborationniste de Vichy:76000 juifs ont été envoyés dans les camps... Le bloc 11 est le bloc du jugement des prisonniers politiques, des prisonniers résistants, des prisonniers qui ont tenté de s'évader,... En quelques mots, le bloc des tortures et de la mort presque assurée. Le camp d'Auschwitz n'était pas assez grand pour la folie des hommes, un autre camp fut construit à trois kilomètres de là :le camp de Birkenau. Une navette nous y emmène pour le découvrir. Grand, très grand, il s'agissait d'une véritable usine à tuer avec deux chambres à gaz d'une capacité de 2000 personnes chacune couplée à un four crématoire. Ces bâtiments sont à l'état d'éboulis. Conséquence de l'autodestruction des nazis qui voulurent effacer toutes traces d'atrocités... Le vaste camp n'est pratiquement plus qu'un champ où se dressent des centaines de cheminées de briques rouges, vestiges des blocs en bois qui servaient de dortoir aux cents milles hommes et femmes prisonniers qui n'avaient pas été directement envoyés dans les chambres à gaz... Prisonniers affamés et assoiffés qui devaient travailler sous la matraque haineuse de gardiens ultra violents. Prisonniers esclaves à la durée de survie infime... Indicible... Nous sortons abasourdi de ces vestiges de l'horreur. Avec une pensée pour ces millions de victimes...